C'est celle
d'Henri Louis Lescure de LRJ, second fils de Louis et de Victoire
de Donnissan, la "Marquise des Mémoires".
Né
à Citran dans le Médoc en 1809, page de Charles
X, puis sous lieutenant de chasseurs, il démissionne en
1830 à l'arrivée de Louis-Philippe qui donne le
branle à une cascade de révolutions dans toute l'Europe.
C'est le cas du Portugal en 1833. Dom Pedro d'Alcantara empereur
du Brésil revient à Lisbonne pour soutenir sa fille
que menace de détrôner son oncle Miguel. Pour cela
il promet une Constitution libérale et obtient le soutien
des Anglais et naturellement de Louis-Philippe. Miguel veut restaurer
la monarchie absolue et appelle à son secours une foule
de légitimistes désuvrés et plus ou
moins apatrides, en quête de gloire et d'honneur.
Rien d'étonnant à ce que nous trouvions dans leurs
rangs : Louis de Bourmont - celui de la prise d'Alger - qui a
reçu le titre de "maréchal-général
des armées royales de Sa Majesté Très Fidèle",
Clouet qui commande une division comme son supérieur plus
âgé en grade, Auguste de LRJ, qui se souvient de
la Prise du Trocadéro -10 ans déjà !
Il est venu avec son neveu Lescure - qui nous intéresse
ici - et Henri de Cathelineau, tous deux chefs d'escadron. Les
affaires sérieuses commencent au début de juillet.
Auguste est blessé à Pasteleiro ; Bourmont est contraint
de renoncer au siège de Porto, où les Anglais débarquent
pour sauver du pillage les précieuses pipes de Vinho Tawny.
Il s'ensuit une retraite précipitée jusqu'à
Coïmbra, puis on se dirige vers Lisbonne où l'Empereur,
la Reine et les libéraux se sont prudemment enfermés.
Auguste, à l'avant garde, brûle les étapes.
Il voudrait, comme en 1823, refaire le coup de la Petite Rade
de Cadix, mais cette fois pour en finir très vite. Il traverse
le Tage et contourne la Mer de Paille. La capitale est dès
lors encerclée - initiative risquée, mais qui peut
réussir, la flotte anglaise de l'amiral Napier étant
en panne dans le Pot au Noir.
Hélas ! Bourmont, pusillanime ou jaloux, lui intime de
repasser le Tage. Auguste obéit à contre cur
et prend position à l'aile gauche de l'armée miguéliste.
Le 31 août il pénètre dans le faubourg Est
de Lisbonne. Les assauts se succèdent sans interruption,
mais aussi sans beaucoup d'effet.
Le 5 septembre Lescure prend la tête de son escadron. Tout
de suite il le distance, il court, seul, à découvert...et
tombe mortellement atteint.
"Victime d'une exaltation morbide et d'un courage presque
inconsidéré".
Cette expression de Crétineau Joly n'est pas sans nous
surprendre, le jeune officier était certes brave mais pas
au point d'être téméraire. Nul n'avait remarqué
chez lui de troubles mentaux, encore moins de tendances suicidaires.
Que s'est-il donc passé pour en arriver a un tel drame
?
Nous savons seulement qu'il y aurait eu, deux jours auparavant
une "explication" entre Lescure et Bourmont. Celui-ci
lui aurait accordé une de ses filles en mariage. Fut-ce
la joie délirante d'un amoureux transi, sinon déclaré
? Ou bien son effroi d'une union imposée ?
L'affaire ne devait pas s'arrêter là. Lescure fut
enterré sur place, sans cercueil et avec d'autres combattants,
tombés comme lui au même endroit. Une stèle
cénotaphe fut élevée à sa mémoire
dans un bois près du château de Clisson à
l'endroit où il avait été blessé en
1832 par les soldats de Louis-Philippe.
Son corps ne fut rapatrié que dix ans plus tard. Faute
d'identification, on ramena aussi les restes d'un tambour major
portugais. L'inhumation eut lieu dans le caveau de famille à
Saint Aubin de Baubigné - nouveau mystère ! Combien
de corps y reste-t-il ? Deux ou un seul ? Le procès-verbal
dépose à la Mairie ne cite que "les restes
de Monsieur Henri Louis Lescure comte de L.R.J."
Récemment Louis de Chauvelin s'inquiéta de laprésence
d'un tombeau ancien dans l'enclos paroissial de Rilly sur Loire,
près de Chaumont et où sont les terres de sa famille
- un tombeau sans iscription, aucune trace dans les archives.
Seule tradition dans la mémoire populaire " c'est
la tombe d'un officier portugais mort à la guerre",
laquelle ?
En page 185 du livre d'Amblard de Guerry figure le portrait de
Henri Lescure de LRJ : un jeune homme romantique d'une grande
élégance et d'une parfaite distinction.
Et si l'on rêvait - Ah ! s'il n'était pas allé
à Lisbonne... et si Dieu lui avait donné une descendance...
A-M B.
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