Chers Cousins,
De matin
nous avons assisté aux Mathes à une messe émouvante
en souvenir de Louis de la Rochejaquelein, dernier général
en chef des armées royales. A l'endroit précis de
sa mort et de son inhumation provisoire. Dans ce lieu héroïque
mais au charme immatériel, devant cette croix nue dressée
sur trois degrés de pierre grise, nous avons prié,
nous imaginant à ses côtés le 4 Juin 1815
pris au piège dans cette petite clairière d'un taillis
sous futaie de trembles à couvert fermé.
Et pourtant, ne nous abusons pas. Ce n'est pas d'une embuscade
qu'il s'est agi, mais bien d'une vraie bataille en ligne et à
découvert le long d'une dune rase et lugubre.
Louis l'emportait déjà quand la débandade
se mit dans les rangs des Vendéens à l'annonce de
la mort d'un capitaine de paroisse. Il fut bientôt trop
tard pour les rallier. Il grimpa alors sur un petit tertre et
se sacrifia délibérément en attirant sur
lui l'attention des bonapartistes. Il élevait son chapeau
à la pointe de son épée quand il fut frappé
d'une balle en plein cur.
Saluons l'héroïque sacrifice de Louis et profitons
de cette journée pour associer ceux de la deuxième
génération vendéenne qui se battirent pendant
les cents jours de 1815 pour Dieu et le Roi.
Beaucoup sont des aïeux ou des oncles de certains d'entre
nous : Alexandre de la Roche Saint André, Onésippe
de Tinguy, Ludovic de Charette, Durfort-Civrac, Autichamp, Suzannet,
Cathelineau, Sapinaud, Bruc, Goulaine, pardon de ne pas le citer
tous.
Mais tous nous sommes petits neveux d'Auguste de la Rochejaquelein,
vainqueur et blessé à Maulévrier au début
de la campagne.
Mais le tiers d'entre nous descend directement de Jacques de Guerry
de Beauregard, l'époux de Constance de la Rochejaquelein.
Jacques blessé mortellement à Aizenay à la
tête de sa division, la nuit du 20 mai. Les hommes de Travot
s'étaient introduits par ruse dans le bourg en se faisant
passer pour des royalistes. Je conserve pieusement le journal
de Constance. La page du 21 mai est froissée, éraflée,
tachée de mouillures, sans doute des larmes. Mais la main
qui tenait la plume ne tremblait pas : "Miserere illi,
domine, miserere nobis", et plus bas : "Donné
deux louis à Baptiste pour racheter Tulipe".
Tulipe, la jument de Jacques capturée et rançonnée
par les Bonapartistes. Il n'y a pas de petits profits. Et la campagne
se poursuivit. Beaucoup tombèrent, quelques uns trahirent,
hélas ! Abusés ou stipendiés par Fouché
qui croyait ainsi, mais à tort, préserver son avenir
politique.
Enfin notre Vendée, qui avait perdu sa guerre en 93, 96
et 99 la gagna en 1815. Car ce ne fut pas le corps d'armée
de Grouchy, ni même celui de Bourmont, qui fit défaut
à Bonaparte à la Haye-Sainte mais les 15000 hommes
de Lamarque immobilisés ici, contre les nôtres, car
c'est un véritable second front, créé, organisé,
armé par nous seuls, payé de notre or et de notre
sang qui a permis un Waterloo décisif avec, en prime, l'économie
d'une campagne de France qui eût été aussi
meurtrière que l'année précédente,
21 batailles en 10 semaines, des dizaines de milliers de morts,
la Thiérache, la Champagne et le Vexin dévastés...
Après 22 ans de résistance, la récompense
était là : le retour du Roy, la fin de l'usurpateur
et l'oubli, que l'on souhaitait éternel, de son utopie
démentielle d'une Europe qualifiée d'unie, parce
que soumise à un pouvoir solitaire et de surcroît
illégitime.
Au cours de l'après midi passé à la Grégoirière
les membres de l'association purent admirer à loisir un
dessin à la plume aimablement confié par le docteur
Suard, vice président du souvenir Vendéen. Il l'avait
découvert lors de la diffusion du mobilier de notre cousin
Raymond de Maistre après sa mort à Prinquiau en
1994. Ce dessin représente l'enterrement de Louis de la
Rochejaquelein à Saint-Aubin de Baubigné le 13 Février
1816, huit mois après sa mort héroïque au combat
de Mathes.
L'artiste, presque inconnu, Ménard de Rochecave, a exécuté
une vue cavalière de la place, autrefois cimetière
de Saint-Aubin, à partir de la maison du Rabot. Il s'est
appliqué au moindre détail, chacun des 400 figurants,
quoique d'une taille inférieure à 2 centimètres,
à un physique, une expression, une attitude différents.
Tout cela "avec un fini, un soin, une précision incroyables".
D'emblée le spectacle est saisissant, mais l'examen à
la loupe révèle des surprises. Avec un peu d'attention
il est tout d'abord possible d'identifier les membres de la famille
: Constance, La Marquise, Auguste, le petit Henri... si on insiste,
une foule de minuscule détails surgissent. Ils sont irrespectueux,
voire scabreux. Nous avons demandé leur opinion à
nos cousins. Quelques uns pensaient, comme naguère Amblard
de Guerry que la question avait passionné, à une
haine venimeuse de l'artiste pour les la Rochejaquelein, une haine
de bleu mâtiné de franc-maçon. Mais d'autres
estimaient avoir affaire àun caricaturiste acharné
à relever tout ce qui, au cours d'une cérémonie,
fut-elle funèbre et grandiose, prête à sourire,
sinon à choquer.
A-M BERGERON
|