"On
ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour
les yeux" (Le Petit Prince). Amblard de Guerry de Beauregard
notre président d'honneur et cofondateur de l'Association,
c'était à Cholet le 13 février 1996. Une
foule très importante était à Chavagnes en
Paillers le vendredi 16 février pour lui rendre un dernier
hommage et prier pour lui. Pas moins de 15 prêtres concélébraient
la messe. L'église de Chavagnes est grande ; elle était
pleine de ses nombreux cousins de notre Association mais surtout
de ses amis de Chavagnes, Landebaudière et toute la Vendée,
tous ceux qui avaient apprécié sa personnalité
et ses travaux. Autour de son cercueil se trouvaient d'un côté
la famille, de l'autre les personnalités au premier rang
desquelles bien entendu Philippe de Villiers présent à
de nombreux titres : comme parent proche de son frère,
comme membre et protecteur de la "Société d'émulation
de la Vendée" dont Amblard était président,
enfin comme président du Conseil Général
dont Gilbert de Guerry fut premier vice-président. C'est
à Thierry Heckmann, directeur des archives départementales
de la Vendée et surtout grand ami d'Amblard qu'est revenu
le soin de retracer la carrière, l'oeuvre et surtout la
personnalité de notre cousin et ami. Il le fit avec précision,
intelligence, délicatesse mais aussi avec une éloquence
digne des meilleurs orateurs ; quelques extraits de son allocution
sont reproduits sur cette page. Rappelons quelques faits de l'action
d'Amblard en faveur de notre Association :
- D'abord il en fut l'inspirateur avec Marie-Yolande de Durat.
- Ensuite il en fut le conseiller pour la conduire sur des chemins
non sectaires, cherchant surtout à glorifier les Vendéens
plus qu'à flétrir leurs ennemis. Il rédigea
le livre de la descendance " la Rochejaquelein ". Ce
livre faisait suite au travail St Pern-Arlot de St Saud rédigé
en 1930. Cet ouvrage avait été rédigé
en appelant au téléphone une grande partie de la
famille ; c'était une certitude d'avoir des réponses
mais surtout un excellent moyen pour intéresser chacun
à ses racines vendéennes. Ce travail devait être
corrigé et mis à jour en 95 puis en 96..., car la
famille dynamique et prolifique évolue vite. S'il existait
parmi les lecteurs un volontaire qu'il se fasse connaître.
Ce travail a eu un grand intérêt pour la famille
mais aussi pour les généalogistes et les sociologues.
C'est un exemple assez rare d'un travail exhaustif sur une famille
de plus de 2000 personnes : Evolution géographique, évolution
sociologique... On ne peut faire mieux pour retracer la carrière
d'Amblard que de reproduire ce qu'il avait marqué pour
lui-même : "AMBLARD DE GUERRY DE BEAUREGARD, né
à l'Ulière le 29 octobre 1919, étudiant en
médecine à Nantes, puis licencié en lettres
à l'université de Poitiers en 1951, professeur d'anglais
au séminaire du Maroc de 1954 à 1968, professeur
libre à Rabat de 1968 à 1987, historien dans ses
loisirs. Il est l'auteur de cette descendance la Rochejaquelein.
Il a aussi publié de nombreux ouvrages sur la Vendée,
parmi lesquels : Chavagnes. Communauté Vendéenne.
Ed Privât. 1988, Album Vendéen de Louise de la Rochejaquelein
1992, Le manuscrit Chauvelin et la genèse des mémoires
de la marquise de la Rochejaquelein 1992, et de nombreux autres
travaux.
Extrait
du message paronné par Thierry Heckmann aux obsèques
d'Amblard
M. Heckmann
directeur des Archives Départementales de la Vendée
était l'ami et le confident d'Amblard. Il venait chaque
semaine travailler avec lui à l'hôpital de Cholet.
Voici quelques extraits de son excellente évocation de
la vie, oeuvre et personnalité d'Amblard. Enseignant libre,
devenu libre enseignant, comme il aimait à le rappeler,
il dut regagner la France il y a neuf ans, après trente-trois
années intenses passées au Maroc. Désormais,
son état semblait le condamner à des "loisirs
forcés". En publiant Chavagnes, communauté
vendéenne, ce livre fascinant, fruit de cinquante ans de
recherche continue, il affirmait toutefois qu'il n'avait en fait
jamais quitté sa paroisse. Ne pouvant s'engager dans un
programme d'activités, il attendit qu'elles viennent à
lui. Ce n'est rien de dire qu'il fut servi ! Moteur de l'association
Chavagnes, Présence du Passé, il fit surgir ces
humbles documents dont il savait faire des monuments. Mais son
retour en France a coïncidé avec la constitution de
l'association des descendants La Rochejaquelein. Sans doute en
fut-il aussitôt l'âme. A force de correspondances
de la descendance, réunissant quelque deux mille notices.
Une aventure qui fut un réel bonheur, celui de reconnaître
la pérennité d'un esprit de famille peu commun,
mais aussi celui de multiplier les échanges profonds avec
tant d'inconnus que le cousinage rapprochait aussitôt. Mais
c'est l'anniversaire de 1793 qui devait bientôt révéler
Amblard de Guerry dans un cercle toujours plus large. Il a inspiré
la commémoration, et applaudi à la façon
dont elle avait ouvert au monde son trésor moral et spirituel,
jusqu'alors contraint à rester provincial. Très
fréquemment présent à la Chabotterie, il
était aussi bouleversé par la force du Mémorial
des Lucs. Il en avait du reste inspiré certains artistes,
l'architecte et le musicien, tout en vibrant à leur jeunesse
et à leur passion créatrice. Enfin, au colloque
international sur la Vendée dans l'Histoire, sa communication
sur la mémoire fit beaucoup d'effet sur de très
brillants professeurs d'université, avec lesquels il est
resté en connivence. En dehors des grandes manifestations,
il a participé à toutes sortes de commémorations
locales, où on l'invitait à prendre la parole, et
il a frappé ceux qui entendaient ses discours, en particulier
à Clisson, Landebaudière, Mauléon, Chavagnes.
"La voix, confiât-il lorsqu'il en fut privé,
ce que j'ai de plus expressif. La voix, qui atteint l'auditeur
et convainc celui qui parle lui-même". Rappelons-nous
aussi qu'il a publié, dans la foulée, plusieurs
livres remarqués, en particulier avec la Société
d'émulation de la Vendée. Elle l'avait choisi comme
président, et elle a retrouvé depuis un regain de
vitalité autour de lui. Mais achevons ce tour rapide par
la cérémonie la plus intime peut-être : l'anniversaire
de la mort d'Henri de la Rochejaquelein, qu'il célébra
dans le froid de ce matin du 28 janvier 1994, au pied du calvaire
de Nuaillé, en lisant une page de l'abbé Jaunet.
Nous n'étions peut-être pas dix, mais France-Culture
en retransmettait la lecture qu'il en avait faite au téléphone
peu avant.
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La foi des
Vendéens leur a permis en effet d'affronter le mal, ce
Mal dont Amblard de Guerry voulait que les stèles commémoratives
nous rappellent que "ce n'est pas ce que font les autres,
(mais) c'est ce que chacun de nous peut faire". La foi
des Vendéens, il ne la concevait pas comme une interrogation,
au seuil d'une adhésion, mais comme la réalité
quasi biologique qu'il avait reconnue aussi au Maroc. Dans l'abandon
et la confiance, dans la vie de l'Esprit. Aussi évitait-il
les anecdotes édifiantes : "Nous ne confondons
pas, a t-il écrit, l'habitude avec l'Esprit. On peut très
bien enseigner des prières à l'enfant qu'on tient
sur ses genoux, mais c'est la Foi intérieure, qui communique
le Foi intérieure ; c'est l'Esprit qui communique l'Esprit...
L'habitude extérieure est édifiante. Mais l'Esprit
est bouleversant.". L'Esprit dissipe aussi la nostalgie,
et l'Espérance permet à l'homme de se nourrir de
son passé sans si accrocher. Amblard de Guerry savait que
toute chose est périssable, parce que le dynamisme de la
vie est destructeur. Non sans malice, il a traité les musées
d'asiles de vieillards et de sarcophages. Il était attentif
surtout à la permanence de l'Esprit. Il connaissait aussi
la fragilité de son témoignage. - "Mais
cette fragilité même, affirmait-il, est une part
de la Grandeur de l'Homme, qui sait que devant Dieu, rien n'est
différent." Restreint depuis toujours dans les
limites étroites du périmètre que lui fixait
sa santé, il savait être disponible à toute
entreprise. Il peignait des portes sur les murs, comme il aimait
à le dire, puis, assez indifférent à ses
propres initiatives, il laissait à la Providence le soin
de les ouvrir. Plus que tout autre, il avait toutefois constamment
une vue au-delà de ses propres limites. Et s'il appréciait
tel homme d'action, il ne s'inquiétait lui-même de
rien. "Attendons la suite, confiait-il récemment.
Elle ressemble rarement au début ; mais on s'arrête
sur le début."
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Comment quitter
Amblard de Guerry sans rappeler sa propension à la joie.
Joie simple et pure, dénuée de toute satisfaction
partisane, étrangère encore plus à toute
signification politique. Joie antique, associée aux couleurs
blanche et verte, joie dont le cri retentissait jadis aux fêtes
de famille, et qui était aussi le cri de Fierté
et d'Espérance que lançaient les marins, debout
sur le pont du navire qui allait sombrer. Amblard de Guerry réservait
ce cri joyeux aux grandes occasions : "Vive le Roi !"
Il est désormais dans la béatitude, il est auprès
du Roi de gloire.
En
l'église de Chavagnes-en-Paillers, le 16 février
1996,
Thierry HECKMANN
La Vendée en effet a révélé à
Amblard de Guerry une expérience de foi, d'espérance
et de charité. Mémoire et pardon, respect de tous
les morts, fit-il graver dans la pierre. "Les Vendéens,
rappelait-il, victimes de l'injustice, n'ont jamais connu la haine.
Ni alors, ni aujourd'hui". "Dans ce que ces hommes ont
fait, continuait-il, nous découvrons la grandeur des ces
humbles... Et je veux le dire, ajoutait-il, ce qu'ils furent alors,
leurs descendants le sont toujours au fond d'eux-mêmes,
chaque fois qu'il le faut, s'ils ont gardé la foi qui a
fait la grandeur de leurs ancêtres. Quand un peuple perd
sa foi, il est condamné à mourir".
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