En 1815,
la famille la Rochejaquelein a été très éprouvée
par la mort de Louis et la blessure d'Auguste, mais avec la Restauration
la famille va pouvoir relever la tête. Il en est de même
de la famille de Beaucorps.
"On devine avec quel enthousiasme Charles de Beaucorps
accueillit la Restauration. Choisi pour aller à Bordeaux
saluer le duc d'Angoulême, puis à Paris complimenter
le Roi sur son retour et lui porter des hommages de respect et
de dévouement, il fut autorisé, le 11 Août
1814, à porter la décoration du lys accordée
aux fidèles serviteurs de la monarchie". "Le
nouveau gouvernement rendit à la noblesse ses titres et
son influence. Le vicomte Charles de Beaucorps fut nommé
en 1815, président du corps électoral de Saint-Jean
d'Angély. Un arrêté du 27 mai 1816 lui confia
à nouveau la mairie de Bernay. Il fut créé
le 27 mars 1817, chevalier de Saint-Louis et, en vertu d'une décision
royale du 21 septembre 1824, autorisé à porter la
décoration de chevalier de Malte qui consistait en une
croix d'or émaillée de blanc, supportée par
un ruban noir".
Anne avait une vie très remplie puisqu'elle avait maintenant
cinq enfants et deux propriétés à gérer
: Parençay et le Fief. Les enfants n'étaient pas
toujours à la maison puisque Constance et Caroline furent
élevées en partie à la maison royale de Saint-Denis
(devenue maintenant la maison de la Légion d'Honneur),
Henri et Octave au collège royal de Senlis. Que d'évolution
des moeurs depuis deux siècles! Maintenant un enfant est
mis en pension à une distance correspondant au maximum
à une heure de voiture de ses parents et revient chez eux
toutes les semaines. A cette époque on ne cherchait pas
le confort de l'enfant : Henri de la Rochejaquelein en Languedoc,
Charles de Beaucorps à Vannes, ses enfants au nord de Paris
! Cela représentait pour y aller environ trois jours de
diligence et l'on ne revenait donc qu'une fois par an. C'est vers
l'âge de dix ans que commençait cette énergique
éducation. Rien d'étonnant alors au fait qu'à
15 ans on pouvait en faire un soldat ou un marin et à 20
ans... un chef. Le ménage va rester à Parençay
jusqu'en 1823 date à laquelle Charles sera nommé
secrétaire général de la préfecture
des Deux-Sèvres. Il vint alors s'installer à Niort
avec sa famille. C'était pour Charles un lot de consolation
car il aurait espéré une préfecture avec
l'appui de sa belle famille bien en cour. Celle-ci n'était
pas restée inactive mais il y avait beaucoup de fidèles
royalistes à récompenser...
C'est pendant le ministère Decazes, donc sans doute en
1819, que l'on peut relater le fait suivant montrant que malgré
ses cinq maternités et l'âge de 45 ans Anne n'avait
pas perdu la forme physique. Decazes était, par rapport
à l'époque, un ministre libéral. C'était
l'opposé de Villèle l'ancien camarade de collège
de Charles et qui d'ailleurs succédera à Decazes
quand ce dernier sera révoqué. Auguste de la Rochejaquelein
a été fait en 1818 Maréchal de Camp comme
l'était son père; malgré sa haute position,
ou peut être grâce à cette haute fonction,
il n'hésite pas à prendre des positions nettement
anti-gouvernementales. On soupçonna Auguste d'avoir fait
parti d'un complot contre Decazes; Anne apprit à Saint-Jean
d'Angély qu'on allait arrêter son frère. Elle
rentra en hâte à Parençay, prit son fidèle
Adon et avec deux chevaux ils allèrent d'une seule traite
jusqu'à Saint-Aubin pour le prévenir. La distance
couverte sans s'arrêter représentait presque 150
km !
A l'arrivée
elle était tellement brisée de fatigue qu'elle ne
pouvait pas descendre de cheval. Pour comble de malheur, son frère
le Général, était parti pour Paris une heure
avant son arrivée. En fait, il ne fut pas inquiété
puisque l'aile ultra prit le dessus sur l'aile libérale
et que c'est Decazes qui dût quitter le Gouvernement.
Charles avait été nommé secrétaire
général des Deux Sèvres en 1823, avec l'espoir
d'avoir une préfecture; il était toujours au même
poste en 1827. Anne monta donc à Paris pour essayer d'obtenir
ce que son mari souhaitait.
"Durant tout le mois de décembre qu'elle passa
à Paris, Madame de Beaucorps ne cessa de travailler pour
l'avancement de son mari. Celui-ci lui conseilla de se faire conduire
chez le Roi par son frère le Général Auguste
ou près de la Dauphine par la Comtesse Auguste très
bien en cour. La Duchesse d'Angoulême reçut la soeur
la Rochejaquelein, avec toute la bonté imaginable et l'air
triste qui lui était habituel, mais elle lui déclara
ne pouvoir se mêler de l'affaire qui l'amenait à
Paris. Tous ces déboires étaient acceptés
de part et d'autre avec une grande résignation".
Charles de Beaucorps nous rapporte une autre occasion où
Anne se servit de ses relations familiales pour intervenir à
la Cour :
"Vers la fin du règne de Charles X, ayant eu connaissance
d'une manière positive d'un complot tramé contre
le Roi, elle partit de Niort vers Paris, se présenta aux
Tuileries comme soeur de généraux vendéens,
obtint d'être introduite auprès de Charles X, auquel
elle montra les preuves d'une conspiration contre sa vie, et comme
le malheureux souverain lui disait qu'il en avait fait le sacrifice,
elle lui répliqua: "Sire, avez vous bien le droit
de sacrifier en même temps la vie de vos plus fidèles
serviteurs qui sont prêts à verser leur sang pour
vous maintenir sur le trône ?".
Elle prit congé du Roi déplorant sa faiblesse qui
devait aboutir à la catastrophe de 1830. "La Révolution
de 1830 fut un désastre pour la famille. Ne voulant pas
prêter serment au nouveau gouvernement, le vicomte de Beaucorps
donna sa démission de préfet de Charente. Son fils
aîné, officier des Eaux et Forêts, renonça
à sa carrière pour la même raison et le cadet
abandonna son projet d'entrer dans l'administration. Tous revinrent
à Parençay mener une existence assez retirée
et peu confortable sans autre occupation que la gestion des propriétés
de famille. Tandis qu'Octave s'attachait à l'administration
du Fief, Henri trouvait quelque emploi à son activité
dans la terre de Saint-Martin, acquise par ses parents en 1841
pour lui procurer une occupation agricole. Cette acquisition ne
fut pas une opération lucrative; il fallut emprunter une
somme de 100.000 francs dont les intérêts n'étaient
pas en rapport avec le revenu de la propriété".
En ce qui concerne les problèmes de propriété
il faut signaler que le jeune ménage avait hérité
après la mort de Anne-Henriette du Rabot ; en effet ses
biens furent estimés 260.000 francs et partagés
également entre les cinq neveux ou nièces. Anne
hérita donc du Rabot qu'elle revendit à son frère
Auguste comme elle l'avait fait pour sa part de la Durbelière.
Comme Auguste n'aura pas de descendance tous ces biens reviendront
aux héritiers de Louis, (donc aux Arné via les Saint-Saud).
On se souvient il y a quelques paragraphes que la venue de Louis-Philippe
fut une catastrophe pour le ménage Beaucorps ; elle ne
fut pas mieux acceptée par les la Rochejaquelein et la
famille des Deux-Sèvres se trouva au centre d'un soulèvement
en 1832 où Auguste agissait à Saint-Aubin, son épouse
à la Gaubretière et la veuve de Louis à Boismé.
L'épouse d'Auguste cernée dans son château
par un bataillon d'infanterie réussit à se sauver
en se déguisant en femme de basse-cour. Mais ce qui est
beaucoup plus important pour la suite de notre récit est
le fait que la marquise de la Rochejaquelein, veuve de Louis,
fut proscrite de Vendée ; elle alla s'installer à
Orléans ce qui aura beaucoup de conséquences pour
la famille Beaucorps.
Elle avait alors 60 ans et se fixa avec sa mère, la marquise
de Donissan, encore vivante, au cloître Saint-Aignan où
elle habitait l'ancien hôtel de Louis XI. Cette ville avait
été choisie car c'est là que devaient être
jugés les chefs de l'insurrection ; elle pouvait leur venir
en aide physiquement et moralement. Le procès terminé,
elle écrivit le 7 juillet 1833 à Anne :
"Ici, nous sommes en paix et qui que ce soit ne nous a
fait de grimace depuis que nous y sommes. Au contraire, on nous
traite avec toute sorte de politesse et de bienveillance. Cette
ville est le séjour de la paix. On y est très soumis
au gouvernement, fort indifférent à la politique
et d'une charité inépuisable pour les prisonniers,
pour les pauvres enfin pour tout être souffrant".
La marquise
de la Rochejaquelein gardait des liens étroits avec sa
belle-soeur Anne et c'est tout naturellement qu'elle s'occupa
de l'établissement de son neveu Octave qu'elle aimait beaucoup.
Elle avait écrit à Anne en 1829 :
"Je peux vous dire mille biens d'Octave. Il est remarquable.
Il est rare d'être aussi bien. J'espère qu'il conservera
ses venus. Il promet de devenir tout ce qu'on peut désirer
sur tous les points. Vous avez là un fils qui vous fera
honneur et bonheur".
En fait, il n'était pas facile de bien l'établir
car la situation de fortune de Charles était très
éloignée de celle de son père François
: les achats du Fief et de Saint-Martin, n'avaient pas été
de brillantes opérations financières. De plus Octave
était timide et renfermé. C'est ainsi que pour Octave
sa tante pensa à Mademoiselle Elise Boucher de Molandon.
Son frère Rémi, homme très brillant intellectuellement
était l'un des légitimistes les plus fidèles
; il laissera une oeuvre historique très importante notamment
sur Jeanne d'Arc. Le mariage fut célébré
le 28 mars à Orléans. Elise était petite
et boulotte, entièrement sous la dépendance de sa
mère qui la retenait auprès d'elle. Octave ne pouvait
aller comme il l'aurait voulu dans sa chère Saintonge où
l'attiraient ses parents et la terre du Fief à laquelle
il était très attaché. C'est donc l'exil
de la marquise de la Rochejaquelein qui a conduit une branche
des Beaucorps à s'installer en Orléanais, branche
qui deviendra à partir de la deuxième moitié
du XXe siècle la branche la plus nombreuse de la famille.
La marquise de la Rochejaquelein s'éteignit à 84
ans le 15 février 1857 à la suite d'une attaque
de paralysie qui lui avait ôtée la parole. Des neuf
enfants qu'elle avait eus avec Louis, seul son fils Henri donna
pour une certaine durée une lignée du nom, nom qui
s'éteignit avec la mort de son seul fils Julien en 1897
et nom que ce dernier avait demandé de ne pas voir repris.
Elle avait eu la douleur de perdre deux de ses filles. Elle écrivit
à Anne en 1829 :
"Ma Victoire, dont l'âme est aussi belle que la
figure est morte comme une sainte. Elle a été adorable
jus qu'au dernier moment. Quelle perte! Quel chagrin et que son
mari est à plaindre. Comme il l'aimait! C'étaient
deux anges".
Et c'est à Charles qu'elle écrira trois ans plus
tard après la mort de Louise :
"C'est un ange que Dieu a appelé dans le ciel.
Son esprit, son amabilité, sa piété, sa douceur,
la rendaient trop parfaite pour la terre ... Elle a cessé
de vivre dans la nuit du 2 au 3 octobre ayant non seulement reçu
tous les sacrements mais ayant elle même exhorté
sa mère à se soumettre à la volonté
divine. Sa résignation était si admirable que le
curé de Pau qui l'a assisté en était dans
le ravissement".
Anne connut la même douleur que sa belle-soeur. En effet
sa fille Caroline née le 9 septembre 1807 était
de santé fragile et vivait chez ses parents après
avoir fait son éducation à la maison royale de Saint-Denis.
Elle mourut à l'âge de 24 ans et fut enterrée
à Bernay.
Après la révolution de 1830 qui avait ramené
tout le monde à Parençay on y vivait de la façon
la plus simple. Charles avait gardé de son noviciat à
Malte des habitudes de religieux. Il allait en général
tous les matins à pied assister à la messe à
Bernay et la seule distraction du lieu était la visite
des voisins et des parents. Le comte Charles de Beaucorps mourut
à Parençay en juin 1850. Le partage des biens effectué
en 1848 indiquait les actifs suivants (en francs) :
- Le fief
303.500
- Saint-Martin
200.000
- Parençay
314.700
- et 36.650
litres d'eau de vie 50.000
Soit un actif de 868.200
On était
loin de la fortune du père de Charles. Le marquis François
de Beaucorps qui avait laissé en 1783 une fortune de 1.500.000
livres, or une livre d'avant la Révolution avait un pouvoir
d'achat très supérieur au franc d'après la
Restauration.
Après avoir laissé une rente viagère à
Caroline (religieuse bénédictine), les biens furent
partagés entre les trois enfants qui eurent une descendance
: Constance, comtesse de Jansac, Henri, comte de Beaucorps et
Octave, vicomte de Beaucorps.
Ce fut ce dernier qui hérita du Fief auquel Anne tenait
tant ; cette propriété est encore dans la famille.
Anne s'éteignit au château de Parençay deux
ans après son mari, le 20 mai 1852
FIN
Georges de Beaucorps, auteur de cette biographie,
a rassemblé les six chapitres en un tiré à
part sous couverture cartonnée, édité à
compte d'auteur. Prix (franco) : 1 ex. 40 F - 2 ex. 70 F - 4 ex.
120 F commandes à adresser à
G. de Beaucorps "Le Parc" 41100 VILLETRUN
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