L'année
1993 aura marqué l'histoire de la "Vendée".
Ce qu'on a préféré appeler ici la Commémoration
s'est fait, il est vrai, comme la Guerre de Vendée, en
ordre dispersé. On n'a pas vu cette fois de grande journée
rassemblant, comme à Cholet en 1937, des délégations
venues des divers départements de la "Vendée
militaire" avec leurs députés et leurs
sénateurs au grand complet. Mais alors il y avait eu dans
ces départements un grand rejet du Front Populaire, dont
le gouvernement, interdisant au Général Weygand
de venir présider la manifestation, avait exigé
que le Vendéen de Réal del Sarte fût masqué
de la route par une palissade en planches. On en était
encore à la "guerre civile" !
Cette année, malgré la diversité des manifestations
tout s'est fait dans un esprit commun, et de façon plus
sereine, autour de la Mémoire. Cette vision du passé,
nous l'avons bien senti, nous concerne toujours, et elle fait
ressurgir brusquement en nous notre identité de Vendéens,
bousculant d'un seul coup toutes les représentations abstraites
désormais enseignées à l'école, où
se complaît une "science" déshumanisée.
Pendant l'exposition de la Landebaudière, en 1992, après
notre réunion du 2 août, on voyait les visiteurs,
venus d'un peu partout, s'émouvoir devant d'humbles reliques,
et devant les portraits de ces humbles héros peints par
Louise de la Rochejaquelein. Dominique Souchet, principal organisateur
d'une Commémoration départementale dont Philippe
de Villiers fut l'âme, a pu dire en public que l'édition
de ces portraits, oeuvre de notre association, avait été
le premier événement de cette Commémoration :
elle avait fait reparaître à nos yeux les êtres
dont nous allions rappeler la grandeur. Au mois d'avril, il y
eut à la Roche-sur-Yon un colloque international sur "la
Vendée dans l'Histoire", où des universitaires
prestigieux s'adressèrent à des auditoires passionnés,
où étaient présents de nombreux membres de
la Descendance. J'avais été invité à
intervenir, le matin de l'ouverture, pour analyser la Mémoire
vendéenne, à la lumière d'une tradition familiale
et aussi d'une expérience personnelle, historique et humaine.
Les actes du Colloque viennent d'être publiés ; on
peut les obtenir en écrivant à la SEV -14, rue Haxo,
85250 La Roche-sur-Yon. La lecture de ces textes si divers apporte
une vision renouvelée de la Vendée, qui, de mouvement
de révolte locale, devient une référence
universelle pour l'homme, face aux idéologies ruineuses.
Le troisième jour s'acheva sur une méditation de
J.L. Bruguès sur le Pardon, "cette alchimie qui convertit
le mal en une nouvelle chance", à condition toutefois
que soit préservée la Mémoire.
Tout l'été, à la Chabotterie, une exposition
temporaire présenta d'étonnantes reliques, dont
le grand drapeau que Constance de la Rochejaquelein transmit à
ses descendants, et qu'on appelle le Drapeau de la Rochejaquelein
: ce fût sans doute le drapeau de la Grande Armée,
que d'Elbée transmit à Charette lorsqu'il se réfugia
à Noirmoutier. On a vu aussi le dictionnaire latin de Henri
de la Rochejaquelein et de son frère Louis, au temps où
ils prenaient des leçons chez le curé de Saint-Aubin,
avec des figures grotesques tracées au crayon, et ces mots
écrits sans doute par un camarade : "Henri la Rochejaquelein
fait le sot". Dans un petit cadre conservé aussi
dans la Descendance, des cheveux de toute la famille emportés
aux Antilles par la marquise : "pour la petite Lucie,
ses cheveux d'enfant de quatre ans..."
Le 22 août, au lendemain du rassemblement familial, nous
inaugurions le monument de Mauléon, dédié
à la grandeur de la Vendée Militaire dans le respect
de tous les morts, par une association dont Armelle Guinebertière
et Gérard de Chabot furent l'âme : notre association
y avait participé pour plus du tiers du coût du monument :
une grande croix de granit, et la rude statue d'un Vendéen.
Monument discret malgré sa taille imposante, il faut quitter
la route pour le découvrir ; inauguration discrète
aussi, mais fervente et vibrante. Ce jour-là, pour beaucoup,
nous voyions Christelle pour la dernière fois ...
Le 25 septembre enfin, nous étions nombreux aux Lucs. Le
grand orchestre et les 800 choristes dirigés par Rémi
Gousseau formèrent un admirable cadre sonore aux allocutions
inoubliables d'Alain Decaux, de Philippe de Villiers, d'Alexandre
Soljenytsine, ce prophète de notre temps dont la vision
étendait au monde entier la présence de la Vendée,
instants bouleversants pour les 35.000 personnes qui étaient
venues l'écouter et fixer ce visage dans leur mémoire.
Quelques heures plus tôt, à la Chabotterie, quand
on lui présenta un descendant de la Rochejaquelein, sa
lourde paupière s'est soulevée un instant à
ce nom qui avait fait rêver son enfance... En ce début
de 1994, les évêques de l'Ouest avaient organisé
une grandiose cérémonie à Saint-Laurent sur
Sèvre, en hommage aux martyrs de la Vendée, le 13
février ; puis aux Lucs le 27 février, en présence
du nonce apostolique à Paris, l'évêque de
Luçon rappela les enfants massacrés et rendit hommage
à la foi du peuple vendéen.
Amblard de Guerry
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