BULLETIN 1994

VENDEE 1793-1993

L'année 1993 aura marqué l'histoire de la "Vendée". Ce qu'on a préféré appeler ici la Commémoration s'est fait, il est vrai, comme la Guerre de Vendée, en ordre dispersé. On n'a pas vu cette fois de grande journée rassemblant, comme à Cholet en 1937, des délégations venues des divers départements de la "Vendée militaire" avec leurs députés et leurs sénateurs au grand complet. Mais alors il y avait eu dans ces départements un grand rejet du Front Populaire, dont le gouvernement, interdisant au Général Weygand de venir présider la manifestation, avait exigé que le Vendéen de Réal del Sarte fût masqué de la route par une palissade en planches. On en était encore à la "guerre civile" !
Cette année, malgré la diversité des manifestations tout s'est fait dans un esprit commun, et de façon plus sereine, autour de la Mémoire. Cette vision du passé, nous l'avons bien senti, nous concerne toujours, et elle fait ressurgir brusquement en nous notre identité de Vendéens, bousculant d'un seul coup toutes les représentations abstraites désormais enseignées à l'école, où se complaît une "science" déshumanisée.
Pendant l'exposition de la Landebaudière, en 1992, après notre réunion du 2 août, on voyait les visiteurs, venus d'un peu partout, s'émouvoir devant d'humbles reliques, et devant les portraits de ces humbles héros peints par Louise de la Rochejaquelein. Dominique Souchet, principal organisateur d'une Commémoration départementale dont Philippe de Villiers fut l'âme, a pu dire en public que l'édition de ces portraits, oeuvre de notre association, avait été le premier événement de cette Commémoration : elle avait fait reparaître à nos yeux les êtres dont nous allions rappeler la grandeur. Au mois d'avril, il y eut à la Roche-sur-Yon un colloque international sur "la Vendée dans l'Histoire", où des universitaires prestigieux s'adressèrent à des auditoires passionnés, où étaient présents de nombreux membres de la Descendance. J'avais été invité à intervenir, le matin de l'ouverture, pour analyser la Mémoire vendéenne, à la lumière d'une tradition familiale et aussi d'une expérience personnelle, historique et humaine. Les actes du Colloque viennent d'être publiés ; on peut les obtenir en écrivant à la SEV -14, rue Haxo, 85250 La Roche-sur-Yon. La lecture de ces textes si divers apporte une vision renouvelée de la Vendée, qui, de mouvement de révolte locale, devient une référence universelle pour l'homme, face aux idéologies ruineuses. Le troisième jour s'acheva sur une méditation de J.L. Bruguès sur le Pardon, "cette alchimie qui convertit le mal en une nouvelle chance", à condition toutefois que soit préservée la Mémoire.
Tout l'été, à la Chabotterie, une exposition temporaire présenta d'étonnantes reliques, dont le grand drapeau que Constance de la Rochejaquelein transmit à ses descendants, et qu'on appelle le Drapeau de la Rochejaquelein : ce fût sans doute le drapeau de la Grande Armée, que d'Elbée transmit à Charette lorsqu'il se réfugia à Noirmoutier. On a vu aussi le dictionnaire latin de Henri de la Rochejaquelein et de son frère Louis, au temps où ils prenaient des leçons chez le curé de Saint-Aubin, avec des figures grotesques tracées au crayon, et ces mots écrits sans doute par un camarade : "Henri la Rochejaquelein fait le sot". Dans un petit cadre conservé aussi dans la Descendance, des cheveux de toute la famille emportés aux Antilles par la marquise : "pour la petite Lucie, ses cheveux d'enfant de quatre ans..."
Le 22 août, au lendemain du rassemblement familial, nous inaugurions le monument de Mauléon, dédié à la grandeur de la Vendée Militaire dans le respect de tous les morts, par une association dont Armelle Guinebertière et Gérard de Chabot furent l'âme : notre association y avait participé pour plus du tiers du coût du monument : une grande croix de granit, et la rude statue d'un Vendéen. Monument discret malgré sa taille imposante, il faut quitter la route pour le découvrir ; inauguration discrète aussi, mais fervente et vibrante. Ce jour-là, pour beaucoup, nous voyions Christelle pour la dernière fois ...
Le 25 septembre enfin, nous étions nombreux aux Lucs. Le grand orchestre et les 800 choristes dirigés par Rémi Gousseau formèrent un admirable cadre sonore aux allocutions inoubliables d'Alain Decaux, de Philippe de Villiers, d'Alexandre Soljenytsine, ce prophète de notre temps dont la vision étendait au monde entier la présence de la Vendée, instants bouleversants pour les 35.000 personnes qui étaient venues l'écouter et fixer ce visage dans leur mémoire. Quelques heures plus tôt, à la Chabotterie, quand on lui présenta un descendant de la Rochejaquelein, sa lourde paupière s'est soulevée un instant à ce nom qui avait fait rêver son enfance... En ce début de 1994, les évêques de l'Ouest avaient organisé une grandiose cérémonie à Saint-Laurent sur Sèvre, en hommage aux martyrs de la Vendée, le 13 février ; puis aux Lucs le 27 février, en présence du nonce apostolique à Paris, l'évêque de Luçon rappela les enfants massacrés et rendit hommage à la foi du peuple vendéen.

Amblard de Guerry