LE
MARQUIS DE LA ROCHEJAQUELEIN ET L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE
Henri et Constance
de La Rochejaquelein, étaient propriétaires d'une plantation
de 900 hectares dans le sud de Saint-Domingue. Ni l'un, ni l'autre n'était
allé aux "Isles" avant la Révolution.
Dès la convocation des Etats Généraux, Henri fonda
avec quelques amis parisiens le "Club de Massiac", du
nom de l'un d'eux, dans le but d'obtenir une représentation de
la population entière de Saint-Domingue. Le roi la refusa, mais
l'assemblée une fois élue, l'admit avec un quota de six
députés pour la seule colonie blanche. On vit alors arriver
des "Libres de couleur" c'est à dire des nègres
affranchis qui exigeaient, eux aussi, d'être représentés.
Notre aïeul et ses amis, craignant que fut votée une abolition
de la traite et de l'esclavage, n'acceptèrent pas la "Déclaration
des Droits de l'homme" qu'ils appelaient la "terreur
des colonies".
Tandis qu'Henri restait à Paris pour empêcher tout débat
public sur la réalité de la société coloniale,
il dépêchait à Saint-Domingue Larchevesque Thibaud
pour y prendre le pouvoir par le biais d'une "Assemblée
des planteurs".
Des difficultés surgirent avec le "préjugé
de couleur", les planteurs blancs à 100 % refusant de
reconnaître comme des leurs les métis, quarterons et autres
sang-mêlé inavoués, fussent-ils de bonne noblesse,
ce qui pouvait parfois passer en métropole.
A Paris, Henri, Massiac et Montalembert remportèrent une série
de victoires sur le plan législatif : constitutionnalisation de
l'esclavage le 13 mai 90, reconnaissance du "préjugé
de couleur" le 24 septembre et suppression des députés
des colonies dans les assemblées françaises le 28 du même
mois.
C'est à ce moment que la situation commença à se
dégrader à Saint-Domingue. D'abord une "guerre des
épidémies" entre les planteurs blanc pur et les
autres, puis des insurrections d'esclaves sporadiques, enfin l'intervention
armée de l'Espagne et surtout de l'Angleterre à la demande
d'ailleurs de propriétaires coloniaux, les uns réfugiés
à la Jamaïque, d'autres arrivés à Londres comme
émigrants. Cette dernière situation était celle d'Henri
et d'une partie de sa famille dès janvier 1792.
La suite, vous la connaissez ; elle fut narrée dans notre bulletin
il y a 3 ans à l'occasion de la mort de Constance, esseulée,
abandonnée dans sa plantation du Baconnois.
Une question se pose, comment notre Marquis serait-il jugé aujourd'hui
? Serait-il taxé de racisme, de ségrégationnisme,
de colonialisme, d'esclavagisme ?
De racisme ? Il en montra sans doute, mais d'une façon très
limitée et dans son milieu envers quelques familles, parfois apparentées,
de Paris ou de Nantes qui cachaient, plutôt mal que bien, leur sang-mêlé.
"L'Espagnol est passé par là" disait-on.
Esclavagiste ? Il ne le fut pas. Il accepta sans rechigner le décret
d'abolition du 4 février 94. Il affranchit ses ouvriers venus du
Baconnois pour le rejoindre ; il s'en fit des amis et des compagnons d'armes
et vécut avec eux, sa femme et son fils, une vie de partisan dans
le maquis Haïtien.
Colonialiste ? Nous pensons que notre aïeul, plutôt
que la gloire de la France, chercha surtout à sauver ce qui pouvait
l'être du patrimoine familial. Il voulut gagner du temps, attendre
le retour de la paix, certain qu'il était qu'un statu quo s'installerait
enfin entre noirs et blancs. Il louvoya entre les partis et dressa les
uns contre les autres. Sans doute est-ce parce qu'il venait d'une famille
de marins de la Royale que les Anglais, à qui il vouait une haine
héréditaire, échouèrent dans leur conquête
de Saint-Domingue après y avoir perdu 20 000 hommes.
A-M.B.
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