BULLETIN 2006

La Vendée cachée...

Les informations du jour : les banlieues sont en furie, un personnage célèbre actuellement a dit : " ce sont tous des enfants de la république… ", eh bien à la bonne heure ! Laissons donc la république s’occuper de ses " enfants ". En matière de désespoir et de poubelles, elle s’y connaît . De quoi voulez-vous bavarder ? Des grèves à la SNCF ? Des mariages homosexuels en Europe ? Bof. Et la Vendée cela vous dit ?

Les guerres de Vendée, oh oui bien sûr, tout le monde connaît. Les mémoires de la célèbre marquise, le pardon de Bonchamps, la Virée de Galerne, les colonnes infernales. Vous avez bien lu au moins un ouvrage sur ces évènements, visionné une cassette vidéo ou assisté à une conférence sur le sujet.

Etes-vous sûr pourtant de bien connaître la Vendée, votre Vendée ? Les Lucs-sur-Boulogne, Chanzeaux, Les Aubiers, Le Loroux-Bottereau, La Gaubretière, Cholet, on sait à peu près tout ce qui s’y est passé. Mais le reste qu’en savez-vous ? Connaissez-vous bien les vieux chemins que vous empruntez chaque jour ? Vous savez que Henri de La Rochejaquelein ou Charrette ont dû passer quelque part non loin de votre village, que là-bas près de cette vieille chapelle en ruine, il se serait passé quelque chose, mai s quoi exacteme nt , on n’en sai t rien. Pourtant, sommes nous p r ê t s à ne considérer de la Vendée que de vagues sujets de commentaires sur la capacité d’insurrection des Français au XVIII° siècle, des bavardages sociologiques sur les résistances à la Révolution ou je ne sais quelle grande théorie sur de prétendues " pathologies collectives " engendrant le régime de la Terreur. Ce genre d’ouvrage peut évidemment présenter un intérêt lorsque l’on ne connaît pas bien les événements, mais n’oublions pas qu’ils sont aussi le meilleur moyen de refermer définitivement les pages de l’Histoire en noyant la Vendée dans des études sibyllines.

La Vendée ne s’étudie pas, ne se dissèque pas, elle se raconte. On l’accepte telle qu’elle est, et ceci est d’autant plus vrai que ses acteurs étaient des gens simples qui n’auraient pas conçu un seul instant que l’on puisse gloser interminablement sur leurs motivations. La Vendée se raconte disions-nous, pourtant bien des détails demeurent oubliés, et pourtant si faciles à reconstituer. Comme ça, à tout hasard : Où se trouve le fameux " pont du Gué Paillard " où Henri de La Rochejaquelein tenta de rallier ses troupes en juillet 1793, lors du combat du Bois des Chèvres prés de Nueil ?

Ce pont aujourd’hui nommé " Pont-Paillard " se situe sur un vieux chemin, qui n’est autre que l’ancienne route de Châtillon, dans le prolongement du Bois des chèvres. Sauriez-vous situer avec précision la ferme de la " Saugrenière " où Stofflet fut arrêté le 23 février 1796 ? Non loin des " Cabournes ", au sud de Neuvy-en-Mauges. Et le Mont des Alouettes, qui vous dira que l’un de ses moulins disparus était à la place exacte de l’actuelle chapelle ? Plus difficile à présent : Sait-on que le prieur de l’abbaye des Fontenelles, oncle du chef Vendéen William Bulkeley, resté envers et contre tous seul dans son abbaye, près de La Roche-sur- Yon, fut horriblement mutilé par une colonne infernale ? On lui coupa le nez et les oreilles et on le laissa agoniser dans le couvent en flammes. Des paysans survinrent pour éteindre l’incendie et porter le malheureux dans l’église où il expira. Sait-on, de même, qu’une vingtaine de soldats républicains eurent la mauvaise idée de tomber sur Marigny au carrefour de " Bel-Air " près de la Chapelle de Beauchêne en Cerizay ? Ils furent enterrés près d’une forge dont il ne reste aujourd’hui qu’un pan de mur près d’une haie. Sait-on encore que l’ancien cimetière de " Belle-Noue " près de Mareuil-sur-Lay fut témoin, le 30 mars 1794 du massacre de 80 innocents, victime de la barbarie de Goy-Martinière, aux ordres du sinistre Huché. Pour finir avez-vous déjà été sur la tombe du curé Jottereau à Beaulieu-sous-Bressuire ? Le malheureux prêtre fut massacré dès le début de la guerre, mais sa sépulture existe toujours… Et que dire de la tombe oubliée du curé réfractaire Violleau au cimetière de Montravers ?

Cette Vendée qui se cache dans les haies, les lierres et l’oubli est toujours là, n’attendant qu’un esprit avide de découverte pour se dévoiler. Certains ont cherché, et cherchent encore des trésors de guerre de Vendée. À Montorgueil, près du Poiré-sur-Vie, le trésor de Charrette, les fusils enfouis dans la forêt du Parc-Soubise, les canons dans la Loire. À moins d’une monographie paroissiale très complète, personne ne vous donnera tous ces détails dans les ouvrages actuels sur la Vendée. C’est à vous de raconter ce que vous savez, de donner corps à cette histoire qui est celle de tous ceux qui aiment ce pays. L’esprit de la Vendée ne peut survivre qu’avec des récits. Ce sont eux qui suscitent l’intérêt, la soif de découverte.

Mais voilà encore que je me laisse emporter par mes rêveries… Alors qu’un vent glacial souffle ce soir derrière la fenêtre de mon bureau, je crois qu’est venu le temps de laisser la Vendée nous bercer de ses songes.

Richard LUEIL
Décembre 2005